CâĂ©tait lâobscuritĂ©. Un noir profond et intense. Un quidam se serait retrouvĂ© lĂ en aurait eu trop dans les yeux. Il aurait eu lâimpression de voir trop dur et trop fort. Ce sentiment aurait Ă©tĂ© renforcĂ© par le froid, glaçant. Ce nâĂ©tait pas un froid qui allait et venait au grĂ© dâune petite bise bien tempĂ©rĂ©e, mais un froid continu, sans mouvement, direct et englobant. Le mĂȘme quidam (ou un autre, perdu lui aussi) aurait trouvĂ© lâatmosphĂšre franchement inamicale et assez pesante.
De fait, le contexte nâĂ©tait pas Ă la sympathie. Le NĂ©ant nâest pas sympathique. DĂ©jĂ , il nous fait la gentillesse dâĂȘtre rempli de noir et de froid, estimons-nous heureux ! Dâaucuns auraient pu nous faire imaginer un NĂ©ant rempli de vide et uniquement de vide et lĂ cela aurait Ă©tĂ© encore plus angoissant parce que le vide, on ne sait pas par quel bout le prendre. Ici, notre NĂ©ant est donc beaucoup plus positif puisquâil est rempli. Câest paradoxal de dĂ©crire un NĂ©ant rempli, mais aprĂšs tout, il pourrait y avoir des NĂ©ants de nature diffĂ©rente alors, pourquoi pas.
Reprenons. Dans ce NĂ©ant noir et glacial, rien ne bougeait quand soudain jaillit un petit Ă©clair. CâĂ©tait un tout petit Ă©clair. Si petit quâon aurait pu lâignorer dans le monde ordinaire. Mais dans ce NĂ©ant composĂ© de rien, il attirait lâattention. LâĂ©clair ne dura pas plus dâune microseconde pourtant il laissa derriĂšre lui une image comme Ă©ternelle. Une petite flamme jaillit et une nano-tache bleue apparut. La flamme vacillait toute lĂ©gĂšre et petite. Comment pouvait-elle ĂȘtre lĂ ? Il nây avait pas dâair. Comment pouvait-elle se dĂ©velopper ? CâĂ©tait comme si elle Ă©tait mue par une force intĂ©rieure supĂ©rieure Ă lâimmensitĂ© : une volontĂ© de vivre et de briller plus fort que tout. La flamme Ă©voluait dans le NĂ©ant : grandissait, rapetissait, virevoltait.
Un second Ă©clair fendit les tĂ©nĂšbres. Une nouvelle flamme sâĂ©leva : dâabord flammĂšche, puis lumiĂšre. Une autre tache bleue se forma. Si le NĂ©ant avait pu parler, il aurait sĂ»rement manifestĂ© son Ă©tonnement, voire son agacement. DĂ©jĂ quâil Ă©tait rempli de noir et de froid maintenant, il se remplissait de lumiĂšre et de bleu. Sa nature en prenait un coup. On peut accepter la diversitĂ©, mais jusquâĂ un certain stade. LĂ , il se serait probablement dit quâil Ă©tait en pleine mĂ©tamorphose et quâil allait falloir repenser son Ătre. Ătre le NĂ©ant, ce nâest dĂ©jĂ pas simple. Alors quand il faut repenser son Ătre en tant que NĂ©antâŠ
Pourtant, il allait bien devoir sây coller le NĂ©ant parce que partout en lui de petits Ă©clairs jaillissaient et faisaient danser de jolies flammes jaunes sur des tĂąches bleues. Peu Ă peu, le noir disparut. Peu Ă peu, le froid sâadoucit. Peu Ă peu, le NĂ©ant ne fut plus que bleu et jaune, douceur et couleur. Peu Ă peu, le monde se dessina aux yeux de tous. Peu Ă peu, la vie sâembrasa et embrassa le NĂ©ant de toute son Ă©nergie. Peu Ă peu, les flammes dansĂšrent en cadence dans un rythme serein, tranquille et apaisĂ©. CâĂ©tait comme un matin dâĂ©tĂ© sur un champ de blĂ© quand le soleil Ă©tire tranquillement ses rayons, comme un coulis de caramel sur une Charlotte aux poires.
Chacune des flammes Ă©tait diffĂ©rente. Petite, grosse, fine, lĂ©gĂšre, cabotine, volontaire, tranquille : il y en avait pour tous les goĂ»ts. Chacune donnait Ă voir un bout du monde. Chacune Ă sa maniĂšre Ă©clairait la vie et la montrait. Un quidam qui se serait trouvĂ© lĂ (de nouveau !) aurait Ă©tĂ© Ă©merveillĂ© par la beautĂ© de cette vie et de ce monde qui se dessinait. Il aurait Ă©tĂ© pris dâune vive Ă©motion en dĂ©couvrant des nuances de couleur quâil nâaurait encore jamais vraiment vues. Il aurait admirĂ© cette mosaĂŻque de nuances construite autour de la mĂȘme matiĂšre. Il aurait alors dâun coup dâun seul, compris toute la beautĂ© du monde et son inaccessibilitĂ©. Il aurait pleurĂ© en prenant conscience de lâUniversel qui traverse le NĂ©ant, de ce lien qui unit la vie et la rend sublime.
Le quidam en question aurait probablement Ă©tĂ© atteint au plus profond de lui-mĂȘme quand il aurait compris que ces flammes nâĂ©taient pas faites pour durer. Ces flammes, uniques et si belles parce que si uniques, disparaissaient quand le temps Ă©tait venu. Elles avaient montrĂ© un bout du monde. Tant pis pour ceux qui ne sâen Ă©taient pas saisi. Elles repartaient dans lâimmensitĂ© quand cela Ă©tait le moment. Dâautres naissaient, mais ne montraient jamais le mĂȘme bout du monde. Le monde changeait alors, imperceptiblement. Lâobservateur aurait vu le bleu qui sâĂ©tirait, se limitait, se fonçait, se colorait au fil de lâĂ©volution des flammes et des lumiĂšres. Le NĂ©ant ou lâĂtre, on nâaurait plus su le dire, semblait comme une mer frissonnante de ces transformations.
En Ă©coutant de plus prĂšs, au cĆur de ce NĂ©ant plein dâĂtre, on aurait entendu une myriade de petites voix, une nuĂ©e de rires et de chants. Chacun sâĂ©vanouissant pour renaĂźtre autre part sous une autre forme au grĂ© des flammes. En Ă©coutant de plus prĂšs, on aurait alors su que la vie est provisoire et Ă©ternelle Ă la fois, quâelle vaut dâĂȘtre chĂ©rie et admirĂ©e pour ce quâelle est : un cadeau du NĂ©ant pour lâĂtre.
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